Les Bisounours en première partie
Parmi les belles histoires que nous propose l'industrie du spectacle figure en bonne place celle de la première partie. On vous la raconte généralement comme suit ,“Je suis allé voir Jean Poterne en concert. En première partie, il y avait un jeune chanteur sur lequel il a flashé et à qui il a offert de l'accompagner durant sa tournée”.
Mouais... Bon, déjà, une star ne connaît que très rarement sa première partie. Il ne faut pas lui en vouloir. Elle a autre chose à penser : les pensions que lui réclament ses deux premières femmes, son rival de toujours (une star a toujours “un rival de toujours”) qui fait la couv' de Télé Z ou l'annulation de son redressement fiscal en échange d'un soutien à la prochaine présidentielle...
Non, si la première partie est là, c'est que les producteurs qui ont dépensé des centaines de milliers d'euros pour louer des salles, embaucher des techniciens, payer des affiches et encarts pub... en ont décidé ainsi. Quoi de plus normal ? Vous croyez vraiment qu'un producteur offrirait, comme ça, gratos, une demi-heure d'exposition à un inconnu parce que sa tête d'affiche a flashé sur lui?
- Eh coco, à partir de demain il y a Les Courgettes Farcies qui font ta première partie.
- Les quoi??? Ils sont pas trop bons au moins?!
- T'inquiète. Par contre, n'oublie pas de dire chez Nagui que tu les as découverts par hasard dans un bar et que tu as craqué grave sur eux.
Mais pourquoi nous sert-on ces contes de fées à longueur d'interviews et... plus grave, pourquoi y croyons-nous ? Parce que personne n'a envie de voir que le spectacle est une industrie comme une autre, au même titre qu'une fromagerie industrielle. Quand je déguste un crottin de Chavignol, ça ne me dérange pas de savoir que sa fabrication est soumise aux lois du marché. Quand j'assiste à un concert et que je découvre un artiste en première partie, je n'ai pas envie de savoir qu'il est là après d'âpres négociations financières entre producteurs, tourneurs, éditeurs... Je préfère la belle histoire de la découverte dans un bar. Ça s'appelle sauvegarder la magie du spectacle.