Fascinants caprices
Il y a peu de temps, lors d'un concert de Brigitte Fontaine à Lille, les spectateurs ont poireauté une heure et demie avant que la Dame aux nougats ne daigne les gratifier de ses borborygmes. Embouteillages ? Problèmes de santé? Que nenni ! Cinq minutes, avant de monter sur scène la diva s'était aperçue qu'elle voulait du champagne. Une heure et demie, sachez-le, c'est le temps qu'il faut pour trouver à Lille une bouteille de champ' après 21h.
Récemment, un programmateur me racontait que Louis Bertignac n'étant pas satisfait de la chambre d'hôtel qui lui avait été reservée, un bénévole du festival avait dû écumer tous les hôtels de la ville, afin de trouver une chambre qui convînt à Monsieur... Elle resta inoccupée, le meilleur guitariste du monde ayant finalement décidé de rentrer chez lui.
Ce qu'il y a d'étonnant dans ces anecdotes multipliables à l'infini, ce n'est pas tant de voir des artistes à la carrière déclinante jouer pathétiquement les stars internationales. Non, le plus surprenant, c'est la manière avec laquelle les professionnels du spectacle ayant souscrit à leurs lubies vous les racontent. Un grand sourire, les yeux au ciel, encore embués par l'émotion d'avoir pu consentir aux fantaisies de la vedette. Comme lorsqu'une maman, énumérant les bêtises de son petit dernier finit par vous souffler, béate d'admiration « il est gonflé quand même...»
Loin de moi l'idée que tous les professionnels du spectacle sont des artistes ratés et que, faute d'avoir pu exercer leur art, ils ont choisi ce métier pour ramasser quelques paillettes envolées du costume des vedettes. Mais à voir la déférence de certains devant tout ce qui s'apparente de près ou de loin à une célébrité, il y a de quoi se poser des questions. A croire que chez eux, la double définition du mot « accéder » prend tout son sens. En accédant aux désirs de la star, j'accède à son monde. Un monde que je côtoie au jour le jour, sans jamais vraiment pouvoir l'atteindre. J'écrirai un traité de psychanalyse pour pros du spectacle plus tard. Pas avant d'avoir rencontré celui ou celle qui me racontera la fois où il a envoyé une star sur les roses parce qu'elle voulait du Moët et Chandon avant de monter sur scène.